samedi, janvier 05, 2008

John FANTE - Mon chien stupide



p91

"Encore une chose. Tu es un con."
"ça va, le compte est bon."
Il a jeté sa cigarette et nous sommes retournés vers les autres.
"ça fait un sacré bien de se sentir respecté par ses enfants" j'ai dit. "Merci pour toutes les bonnes choses que tu m'a dites ce soir."
"De rien."



lundi, novembre 19, 2007

Tonino BENACQUISTA - Quelqu'un d'autre

Tonino BENACQUISTA - Saga


p44


Respecter l'histoire que l'on crée, c'est respecter ceux qui vont l'écouter et se respecter soi-même. Peu importe l'aléatoire morale de ceux qui la commanditent



p181

- Qui a dit que les paranoïaques pesaient le réel avec une balance plus subtile ?



P231

- Le cinéma, c'est une autre aventure. La plus belle de toutes. Le cinéma construit notre mémoire, la télé ne fabrique que de l'oubli. On ne peut pas travailler pour le cinéma sans croire qu'on fait le plus beau film du monde. ça porte un nom: l'amour.




dimanche, novembre 18, 2007

Philippe DJIAN - Echine


p136

J'ai prêté la main à tant de déménagements au cours de ma vie que j'en finis par me demander si ce n'est pas moi qui les attire et si je dois y découvrir une signification profonde. Ne serions-nous que de passage ici-bas ?



p151

Je me suis allumé une cigarette. Je ne sais pas s'il avait remarqué ma présence. J'ai tiré une longue bouffée et je l'ai soufflée dans le silence revenu, voulant lui signifier par là que tous nous n'étions que pauvres feuilles soulevées par le vent, ici-bas, et qu'à un sort commun tous nous étions soumis. Mais me faisais-je bien comprendre ... ?

Philippe DJIAN - Lent dehors


p312

Je filais un mauvais coton mais je ne cherchais pas à m'en sortir. Dans l'ensemble, mes lectures me portaient vers des écrivains désespérés, des écorchés vifs ou des candidats au suicide. Non pas qu'une telle idée commençât de s'insinuer en moi, mais je partageais leur vision de cette vie, je comprenais ce qu'ils voulaient dire.



p313

Certains soirs, quand je me mettais au piano, des types saouls fondaient en larmes et des femmes me regardaient, prêtes à me serrer sur leur poitrine.



p409

Ne t’occupe pas de ce qu’on écrit sur toi, que ce soit bon ou mauvais. Evite les endroits où l’on parle de livres. N’écoute personne. Si quelqu’un se penche sur ton épaule, bondis et frappe-le au visage. Ne tiens pas de discours sur ton travail, il n’y a rien à en dire. Ne te demande par pour quoi ni pour qui tu écris mais pense que chacune de tes phrases pourrait être la dernière.

Tonino BENACQUISTA - La commedia des ratés



p29

Ce que tu avais de bien toi ? Pas grand-chose, à part tes idées lumineuses pour tenter de cavarsela comme tu disais, se faire une place au soleil, faire son trou. Mais sans creuser. D'autres s'en sont occupés, aujourd'hui, du trou, et t'auras au moins réussi ce coup-là


p44

Mon père est une joyeuse ruine qui ne voit aucune raison pour que ça change. A moins qu'il ne se soit mis lui-même hors de portée ... Comment savoir ?



p51

Déjà rien qu'à la voix j'aurai dû me douter de quelque chose. Une superbe voix de gravier, une tonalité travaillée par le tabac et les boissons corrosives, une onde sablonneuse qui crisse dans l'oreille. Cette voix-là sortait d'une gorge érodée par le temps et de lèvres striées aux commissures. Une dame, quoi.

mardi, octobre 23, 2007

Richard BRAUTIGAN - L'avortement




Frank

va-z-y, entre,

tu peux lire le roman,

il est sur la table,

près de la fenêtre,

je serai de retour

dans deux heures

environ.

Richard


samedi, août 25, 2007

Richard BRAUTIGAN - Tokyo-Montana express






p166

Et puis, elle s'est décrochée. Sauf que ça ne m'a rien fait : dans la vie je sais maintenant qu'il n'est pas assez de place pour tout se garder.


p192

Sauf que dans la vie l'on ne saurait être vieux avant que les os, les muscles et aussi le sang ne s'en aillent, avant que le coeur ne se fonde à l'oubli, avant que toutes les maisons oû l'on a vécu n'aient disparu, avant que tout autour de soi les gens ne se demandent si la civilization qui fut la votre jamais vraiment exista.




dimanche, mars 18, 2007

Anna GAVALDA - Je voudrais que quelqu'un m'attende quelque part




p11

Je pousse la porte et tout de suite c’est : l’odeur de la bière mélangée à celle du tabac froid, le ding ding du flipper, la patronne hiératique avec ses cheveux colorés et son chemisier en nylon qui laisse voir son soutien-gorge à grosses armatures, la nocturne de Vincennes en bruit de fond, quelques maçons dans leurs cottes tachées qui repoussent encore un peu l’heure de la solitude ou de la bobonne, et des vieux habitués aux doigts jaunis qui emmerdent tout le monde avec leur loyer de 48. Le bonheur.



p46

J’ai trente-huit ans et je vois bien que ma vie part en couilles. Là-haut ça s’écaille tout doucement. Un coup d’ongle et c’est des semaines entières qui partent à la poubelle. Je vais même te dire, un jour où j’entendais parler de la guerre du Golfe, je me retourne et je dis :

– C’était quand la guerre du Golfe ?

– En 91, on me répond, comme si j’avais besoin du Quid pour une précision… Mais la vérité, putain, c’est que j’en avais jamais entendu parler.

À la poubelle la guerre du Golfe.

Pas vu. Pas entendu. Là, c’est toute une année qui ne me sert plus à rien.

En 1991, j’étais pas là.

En 1991, j’étais sûrement occupé à chercher mes veines et j’ai pas vu qu’y avait une guerre. Tu me diras je m’en fous. Je te dis la guerre du Golfe parce que c’est un bon exemple.

J’oublie presque tout.

Sonia, tu m’excuses mais c’est vrai. Je ne me souviens plus de toi.

Et puis j’ai rencontré Ambre.

Rien qu’à dire son nom, je me sens bien.

Ambre.



p59

Quand j'arrive à la gare de l'Est, j'espère toujours secrètement qu'il y aura quelqu'un pour m'attendre. C'est con. J'ai beau savoir que ma mère est encore au boulot à cette heure-là et que Marc est pas du genre à traverser la banlieue pour porter mon sac, j'ai toujours cet espoir débile.

Je voudrais que quelqu'un m'attende quelque part... C'est quand même pas compliqué.



lundi, mars 05, 2007

Hervé JAOUEN - La mariée rouge




p66

Les parents Dorval, comme les Le Du ont prié pour qu'il y ait de l'ambiance. Un noce sans ambiance, c'est comme un enterrement sans gueuleton.


p137

- Vous êtes de la noce? Interroge Marie. ça alors, on croyait qu'on vous avait semés !
Et elle rit! Rit! ...
Un coup de crosse lui cloue le bec.

dimanche, janvier 21, 2007

Thierry JONQUET - Le Bal des débris




p27

Il a débuté comme aide-soignant, il est devenu infirmier, et kiné, et encore chef-kiné, bientôt huitième échelon ... Peut-être un jour sera-t-il le Maître du Monde ?




p47

M. Hassouf tout essoufflé après avoir lu son papier, a passé la parole à Mlle Bluquat, la psychologue. Eh oui, n'allez pas croire qu'un vieux cancéreux qui s'effiloche par tous les bouts n'a plus besoin de psychologue ! De "spychologue" comme le dit Le Gloadec.
Jusqu'à l'hosto, ils sont venus planter leurs crocs, ceux-là. Rhan ... Bien fort que je m'accroche aux apprentis cadavres. Leurs canines voraces enfoncées dans le gras des jugulaires séniles, les psychologues traquent le signifiant et sucent bien fort, à fond. La béance du désir au troisième âge, c'est quelque chose qu'il ne faut pas laisser échapper. A aucun prix.




p57

La tendresse tombait sur tout ce petit monde, enveloppant les corps souffrants de sa grande aile protectrice. Hospice and Love ...


lundi, décembre 04, 2006

Jean-Bernard POUY - Le petit bluff de l'alootest



p 11

Ce vioque était un vrai trésor vivant, un témoin de ce qu'avait été longtemps cette région, trop pauvre, démunie et reculée pour fournir du travail à ses enfants. Alors, il y avait toujours eu ceux qui partaient et qui revenaient, à la retraite, pour se construire ces hideuses baraques blanchâtres avec la porte d'entrée entourée de granit gris. Et ceux qui étaient restés s'étaient lancés dans la picole pour affronter le malheur, la pauvreté et le froid humide. Maintenant qu'ils avaient la médecine sur le dos, les survivants s'étaient mis difficilement, à la diète. Mais ils y passaient quand même, un jour ou l'autre, et dépotaient souvent leur géranium avant l'âge. Gildas était une exception. Quatre-vingt-cinq ans. Une énergie à revendre. Tellurique, le mec. Sans doute à cause de l'ardoise dont le sol était truffé. Les jeunes venus s'installer dans le coin disaient tous la même chose : ici, c'est vraiment " spé".


p43

Moi, je faisais les comptes. J'avais peut-être, en Isa, une alliée, déboulant par hazard pour m'aider dans mes nouvelles fonctions, celles qui me feraient passer du stade de poireau à celui de Poirot.


p93

Et de tout ça, j'ai tiré une morale à la con.
Quand on met un casque de moto, faut pas porter de boucles d'oreille.



mercredi, novembre 29, 2006

Thierry JONQUET - Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte






p206

Anna répondit aux questions de son père avec sincérité. Oui, c'était dur, très dur même. La violence qui régnait au collège, dans la cour de récré comme dans les couloirs, les incidents à répétition en classe, les bagarres incessantes, le niveau effarant des lèves après tant d'années de scolarité, les trois cents mots de vocabulaire dont ils disposaient, en comptant large, le néant culturel, l'agressivité à fleur de peau, la détresse sous-jacente, l'océan de misère dans lequel ils surnageaient, oui, c'était dur, très dur.



p215

Kärcher, racaille, des mots qui allaient peser lourd dans les événements à venir.



















p247

« Étant les ignorants, ils sont les incléments
Hélas combien de temps faudra t-il vous redire
À vous tous que c’est à vous de les conduire
Qu’il fallait leur donner leur part de la cité
Que votre aveuglement produit leur cécité
D’une tutelle avare, on recueille les suites
Et le mal qu’ils vous font, c’est vous qui le leur fîtes.

Vous ne les avez pas guidés, pris par la main

Et renseignés sur l’ombre et sur le vrai chemin,
Vous les avez laissés en proie au labyrinthe
Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte
C’est qu’ils n’ont pas senti votre fraternité.[...]

Victor HUGO
Juin 1871

Bernard WEBER - Le papillon des étoiles




p11

Au commencement était le souffle.
le souffle puissant du vent salé.

p12

Au commencement était le rêve.
Le rêve d'horizons nouveaux.






mardi, octobre 24, 2006

Anna GAVALDA - Ensemble, c'est tout



p158

Et Camille se dépêchait de consigner ce sourire-là, ce ravissement d'un garçon qui épluchait l'histoire de France comme d'autres feuilleteraient un magazine de cul.



p206


On ne te demande pas de faire quelque chose de joli, tu sais ... On s'en tape du joli. Pour ça on a les dessins d'enfants et le papier glacé des magazines. Mets donc des moufles, toi, le petit génie, la petite coquille vide, mais si, enfiles-les te dis-je, et peut-être qu'enfin, tu verras, tu dessineras un cercle raté presque parfait ...

Richard BRAUTIGAN - Mémoires sauvés du vent


p10
Mémoires Sauvés du Vent,
Poussières d'Amérique ...


p20

- De quoi est-il mort?, dis-je. Non que cela m'intéresse vraiment, mais il fallait bien que je dise quelque chose. On ne peut pas abandonner à son sort une remarque de ce genre, ne pas lui faire un brin de conduite d'un commentaire; c'était du moins mon sentiment à l'époque.



p29

Il s'était très soigneusement organisé un mode de vie abolissant toute possibilité de jamais recevoir la moindre facture



p37

Pendant que je me trouve encore à quatre cent mètres de là, que je reviens à pied vers l'étang, un sac de bouteilles de bière sur l'épaule, je vais vous parler de quelque chose de plus interéssant que le trajet qui suit divers sentiers battus, le long des voies familières du chemin de fer menant au dernier sentier qui finit, ou commence peut-être de nouveau à l'étang.


p39

Le corbillard était peut-être rangé à une dizaine de mètres de là. Vous imaginez-vous à quel point ce corbillard pu m'apparaître gigantesque? Cela fait très près pour un corbillard lorsqu'on a cinq ans. Il me parut avoir les dimensions d'un film que, pour des raisons mystérieuses, l'on aurait peint en noir.










p57

Les jours de l'empire du Japon étaient comptés, tout comme l'étaient ceux de mon enfance, et chacun de mes pas me rapprochait de ce verger du 17 février 1948 oû mon enfance allait s'effondrer à la manière d'une enfance en forme de vieilles ruines romaines; donc, nous lanternions l'empire du Japon et mon enfance, chacun à l'écoute du dernier souffle de l'autre.



p73

J'étais un gosse bizarre.
Je crois même que vous pourriez tranquillement ajouter "très".

















p141

Nous descendîmes de bicyclette.
La pluie commença à tomber en grosses gouttes lourdes, mais les gouttes étaient assez éloignées les unes des autres. Elles tombaient très doucement et vous auriez presque pu les contourner si vous aviez voulu.



p157

La fumée qui montait de la cuisinière cherchait désespérément un tuyau mais n'en trouvait pas, se contentait de se répendre doucement dans l'atmosphère comme un infirme un peu distrait.



p159

D'autres criquets s'étaient joints au premier criquet, mais les nouveaux criquets n'avaient pas l'étoffe des vedettes. Ce n'était que des criquets ordinaires. Personne ne viendrait jamais d'Hollywood en Oregon pour leur faire signer un contrat.

lundi, septembre 18, 2006

Philippe DJIAN - Impuretés


p59-

Patrick Storer avait sauté d'un pont. Il n'était pas le premier, ce pont était connu pour ça. Les croque-morts adoraient ce pont, même s'ils ne voulaient pas le reconnaître.




p143
Il fallait se lever tôt pour établir une frontière sensée entre les trucs qu'une fille acceptait de faire et ceux qu'elle n'acceptait pas. Il fallait aimer ça, couper les cheveux en quatre, faire tourner les gens en bourrique, les rendre malades.

p174

Sans doute démarrait-elle dans la vie avec un handicap d'une quarantaine de kilos, mais elle éprouvait les mêmes tiraillements que les autres, à l'intérieur de son corps

p435

Se saouler à mort sembalait être la solution la mieux adaptée à la situation présente.

mardi, août 15, 2006

Thierry JONQUET - Mon vieux


p126 -
Ce fut comme s'il contemplait son destin sur l'écran d'une télé à bout de souffle. Le spectacle ne le concernait quasiment plus. Un mauvais clip qui ne comportait même pas de générique. Inutile. Superflu. Hors de propos. On avait simplement rayé, biffé, gommé, éffacé le nom de Daniel Tessandier du registre des gens normaux, ceux qui ont le droit de cotiser à la sécu, de partir en vacances, d'acheter un congélateur ou un four micro-ondes, de dormir dans un vrai lit, de caresser les seins de la femme étendue à leurs côtés, pour le reléguer à la marge, dans un no man's land aux contours flous, un ailleurs sauvage qui relevait plus du documentaire animalier que de la vie civilisée.

Jean-Bernard POUY - Le rouge et le vert


p24 -
Et puis je suis arrivé devant une voiture arrêtée au milieu du boulevard, capot levé. Un type, fou furieux, trempé, cassait son moteur à l'aide d'un énorme marteau. En hurlant des imprécations. Bizarrement, j'ai eu soudain envie de l'aider. Cet homme avait raison.



Philippe DJIAN - Ça, c'est un baiser



P172 -
Je me suis levé. Un jour, peut-être, je ne parviendrai plus à me lever. C'est comme ça qu'on meurt. Ensevelli sous le poids des choses qu'on ajoute sur nos épaules.




p183 -
Le problème, avec l'écriture, c'est qu'on finit par y croire. Et c'est un piège.

Philippe DJIAN - Maudit manège


p40 -

C’est le jour oû j’ai tapé la dernière page qu’on a appris la mort de Richard Brautigan, et le soir je me suis saoulé comme je l’avais encore jamais fait de ma vie et je suis resté un long moment couché en travers du tapis à écouter les gens chialer dans les rues. Tout le monde se souvient de cette nuit atroce et des jours sombres qui ont suivi pendant qu’on relisait Tokoy-Montana Express ou Mémoires sauvées du vent.




















p56 -
Il n'y a pas tellement de choses qui vaillent la peine dans la vie d'un homme, il ne faut jamais manquer une occasion de se donner à fond.


p143 -
"Même devant Sa Majesté
l'épouvantail n'enlève pas
son chapeau tressé."

p197 -
Je lui ai ramené une mèche derrière l'oreille et elle m'a pris la main.Dans l'autre j'avais mon verre. Malheureusement, j'ai bien peur de ne pas avoir la chance de mourrir dans un moment pareil. Mais ça ne fait rien.




p216 -
Chaque jour, je m'entraîne à traverser la vie comme si de rien n'était, comme si je ne remarquais rien ...












p291 -
Quand le miracle arrivait, on voyait un gars se lever et aller vous écrire Cent Ans de solitude, Le Choix de Sophie ou Le Monde selon Garp. Il fallait rester vigilant.